Bloody Sunday, il y a 50 ans

Publié le par frico-racing

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Bloody Sunday, il y a 50 ans

L’expression Bloody Sunday désigne un triste épisode de l’histoire nord-irlandaise. Elle fait allusion aux événements du dimanche 30 janvier 1972 à Derry en Irlande du Nord, où 14 manifestants pacifiques furent tués par des tirs de l’armée britannique. Cette journée fut inscrite comme une journée noire de l’Histoire, et a provoqué un véritable tollé suite à ce massacre d’innocents…

Histoire du Bloody Sunday

Une marche pacifiste qui va tourner au cauchemar…

30 janvier 1972 : une marche est organisée par la NICRA. Elle doit partir du Central Drive de Creggann pour traverser le quartier du Bogside en empruntant le pont qui longe le quartier pour se terminer sur Guildhall Square. Ivan Cooper, est à la tête de cette marche pacifique, et prône l’égalité des droits entre catholiques et protestants. Malgré son dialogue avec les autorités unionistes et ses tentatives de négociation avec les forces de l’ordre britanniques, la manifestation est déclarée illégale par les autorités anglaises.

Cette manifestation sera donc sous haute surveillance.

A l’embouchure de la William Street sont postés une centaine d’hommes de la RUC, et, chose inhabituelle des parachutistes de l’armée britannique sont venus avec leurs blindés leurs prêter main forte. Du coté des manifestants, vers 14h00 face à ce déploiement de force, des rumeurs circulent sur un éventuel changement de trajet de la marche. A 14 h20 la foule prend de l’ampleur, chacun invite amis, parents et voisins à se rallier au mouvement. C’est sous les acclamations que le cortège descend vers 14h40 le quartier Brandywell.

Une foule de 10 000 participants pacifistes sous haute surveillance…

La foule avoisine les 10 000 participants lorsque les premiers manifestants passent vers 15h25 à la hauteur du Bogside Inn et toute la largeur de William Street, trottoirs compris, est occupée. Les organisateurs de la marche rattrapent le devant du cortège qui se heurte maintenant aux barrages de l’armée et de la police situés à la jonction avec Rossville Street.

Et c’est du haut de la plateforme que les leaders demandent à la foule de se réunir au Free Derry Corner. Presque tous remontent Rossville Street pour rejoindre le lieu où se tiendra le meeting avec Bernadette Devlin. Il commence alors à régner une certaine confusion, une partie de la foule n’a pas connaissance des nouvelles instructions.

Les tensions atteignent leur paroxisme…

Aux slogans succèdent pendant une vingtaine de minutes injures et jets d’objets divers et variés. Les soldats répondent avec des tirs de balles caoutchouc. Les émeutiers se replient et repartent à la charge derrière des tôles ondulées en guise de boucliers. Les canons anti-émeutes entrent en scène, et des grenades CS sont tirées dans la foule par l’armée. Il est alors 15h40 et John Johnston et Damien Donaghey s’écroulent sur William Street blessé par les tirs de fusils d’assauts du premier bataillon de parachutistes.

Les premiers témoins comprennent qu’il ne s’agit pas cette fois ci d’une simple répression policière. De la tribune, les leaders appellent au calme de la population et à ne pas répondre à la provocation. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre, l’armée tire à balle réelle. Les blindés chargés de paras font irruption dans Rossville Street. Le massacre commence alors…

William Mac Christal (témoin) : Je me trouvais sur Chamberlain street derrière une bande de jeunes qui jetaient des pierres. J’ai vu de l’autre coté de Rossville Street, par terre, un saracen en larmes, j’ai couru vers les lotissements lorsque j’ai entendu des tirs venant de William Street, une balle siffla au dessus de ma tête et se logea dans le mur d’en face. Quelqu’un venait d’être touché. J’ai vu le père Daly penché sur le corps d’un jeune. Il y avait un autre homme qui l’assistait. J’ai couru leur proposer mon aide, je me suis agenouillé, l’armée nous tirait dessus au dessus de la tête. Les balles venaient de notre dos et allaient percuter le mur d’en face. Arrivé sur place je n’ai vu près du corps ni arme, ni pistolet, ni bombe à clous ou pierre. Nous avons transporté le corps à travers High Street vers Waterloo Street. Nous l’avons étendu sans son manteau et Monsieur MacCloskey l’a recouvert d’un édredon. A ce moment il était mort. Il s’appelait Jackie Duddy.

A.Mac Guinness (témoin) : J’étais à un mètre de mon ami Damiens Donaghey , lorsqu’il s’est effondré sur le sol, son sang sortait de son corps. Il venait d’être touché, il n’avait rien fait, il n’a jamais lancé une seule pierre. Il regardait juste avec moi la manifestation sur Kells Walk.

La situation prend dès lors une tournure dramatique. Tel vient de se produire ce que l’on appellera plus tard le « Bloody Sunday » (ou Dimanche sanglant).

Les victimes du Bloody Sunday

14 morts… qui plongent l’Irlande du Nord dans le chaos
  • John Johnston, 59 ans. Le premier touché, il ne décèdera que plusieurs jours après.
  • Jack Duddy, 17 ans. Tué alors qu’il traversait en courant Rossville Street.
  • Michael Kelly, 17 ans. Reçu une balle dans l’estomac, il mourut après plusieurs minutes.
  • James Wray, 22 ans. Fut blessé en traversant Glenfada Park. Achevé à bout portant.
  • Gerald McKinney, 35 ans. Reçu une balle en pleine poitrine alors qu’il se rendait aux soldats mains au dessus de la tête à Glenfada Park.
  • William McKinney, 26 ans. Tué alors qu’il porte secours à Gerald MacKinney.
  • Gerald Donaghey, 17 ans. Frappé à l’abdomen. Décède sur le chemin de l’hopital.
  • John Young, 17 ans. Fauché par une balle en pleine tête.
  • Michael McDaid, 20 ans. Même sort que John Young au même endroit.
  • William Nash, 19 ans. Toujours au même endroit, sur Rossville Street, reçoit une balle en pleine poitrine.
  • Patrick Doherty, 31 ans. La balle rentre par la fesse, lui traverse l’estomac et ressort par la poitrine. Il meurt sur le coup.
  • Bernard McGuigan, 41 ans. La balle pénètre l’arrière de la tête et le tue instantanément.
  • Hugh Gilmour, 17 ans. La balle le traverse de part en part alors qu’il rampe vers Rossville Street.
  • Kevin McElhinney, 17 ans. La balle voyage à travers son corps, rentrant par l’anus et ressortant par son épaule.
  • Patrick O’Donnel, Patrick McDaid, Alex Nash, Patrick Campbell, Peggy Deery, Daniel McGowan, Michael Bridge, Michael Quinn, Joseph Mahon, Joseph Friel et Michael Bradley furent blessés par balle.

    L’après Bloody-Sunday…

Quand l’enquête tente d’y voir plus clair…

Deux versions existent :

  • selon les britanniques, les parachutistes auraient essuyé des tirs de la part de l’IRA auxquels ils auraient riposté,
  • selon les manifestants, l’armée britannique a délibérément tiré sur une foule désarmée.

Une enquête menée rapidement par une commission blanchit l’armée britannique en concluant qu’elle répondait aux tirs de l’IRA. Cependant, aucune arme n’a été retrouvée sur les lieux pas plus que de traces d’explosif sur les victimes. De plus toutes les victimes se comptent parmi les manifestants : aucun soldat n’a été tué ou blessé ce jour-là. Aussi un doute a longtemps pesé sur cette version des faits.

Cette journée, désormais inscrite dans l’Histoire sous le nom de Bloody Sunday, marque une nouvelle étape dans le conflit nord-irlandais. Les rangs de l’IRA se gonflèrent après ce massacre. L’armée britannique perdit de sa crédibilité dans l’esprit des républicains qui ne virent plus en elle une force d’interposition mais une force de répression au même titre que la Royal Ulster Constabulary ou (RUC).

Le 16 mai 1997, Channel 4 diffuse un documentaire des journalistes Lena Ferguson et Alex Thomson dans lequel quatre soldats révèlent anonymement que les parachutistes ont tiré l’arme à la hanche dans la foule, contredisant la thèse officielle qui prétendait que les tirs avaient visé des cibles précises et hostiles.

Du fait des critiques adressées à la version britannique de cet événement, le ministre Tony Blair fit rouvrir l’enquête sur ces événements en 1998. L’enquête a été confiée au juge Mark Saville, assistés de magistrats canadien et australien. Entre 1998 et novembre 2004, 921 témoins furent audités et 1555 témoignages écrits furent examinés. Plusieurs soldats avoueront avoir menti lors de leurs dépositions précédentes et reconnaîtront que les victimes étaient désarmées.

Sources, film, vidéos et articles associés :

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