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25 août 1944 : Paris libéré par l’insurrection de son peuple

Publié le par frico-racing

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25 août 1944 : Paris libéré par l’insurrection de son peuple
25 août 1944 : Paris libéré par l’insurrection de son peuple

Après quatre ans sous le joug allemand, la capitale sort de la nuit. L’action armée des résistants unis au sein des FFI, 
conjuguée avec le soulèvement de la population, 
parachevée par les blindés de Leclerc, chasse l’occupant.

Samedi 26 août 1944, 15 heures. À l’Arc de triomphe, de Gaulle contemple le spectacle des Champs-Élysées, qu’il s’apprête à descendre. « Ah ! C’est la mer ! » relate-t-il, lyrique, dans ses Mémoires de guerre. « Une foule immense est massée de part et d’autre de la chaussée. Peut-être deux millions d’âmes. (...) Si loin que porte ma vue, ce n’est qu’une houle vivante, dans le soleil, sous le tricolore. Je vais donc, ému et tranquille au milieu de l’exultation indicible de la foule, sous la tempête des voix qui font retentir mon nom. (...) Il se passe, en ce moment, un de ces miracles de la conscience nationale, un de ces gestes de la France qui parfois, au long des siècles, viennent illuminer notre histoire. » Le peuple de Paris fête sa victoire, même si, chez beaucoup, le coeur n’y est pas vraiment, trop lourd encore des drames vécus. Le général de Gaulle, fort de l’auréole de celui qui a su dire non dès juin 1940 à l’asservissement du pays, ramasse les lauriers de la gloire.

La veille, von Choltitz, commandant du Gross Paris, a signé la capitulation allemande. Épilogue de sept jours d’un soulèvement populaire fait de combats armés, de barricades, de grèves, et qui, avec le concours des armées alliées, aura raison de l’occupant. Sept jours qui ajoutent un chapitre de prestige à l’histoire des combats de Paris pour la liberté, de la Révolution française à la Commune de 1871. Sept jours d’une insurrection aujourd’hui unanimement célébrée – non sans la tentation chez certains de l’instrumentaliser –, mais dont le déclenchement et la conduite n’allèrent pourtant pas de soi. Le 19 août, dans une ville où seuls les journaux de la collaboration ont encore voix au chapitre, les Parisiens découvrent, placardé sur les murs, l’appel au soulèvement : « L’heure de l’insurrection a sonné.

C’est Paris capitale de la liberté, c’est Paris fier de son passé de lutte et d’héroïsme, c’est Paris libéré par les Parisiens eux-mêmes qui accueillera les Alliés. Le Comité parisien de la libération vous appelle tous au combat. » Au Comité Parisien de Libération comme au Conseil national de la Résistance, qui lance un appel similaire, comme à l’état-major des Forces françaises de l’intérieur de l’Îlede- France – les FFI, regroupant l’ensemble des organisations de résistance –, sous le commandement du colonel Rol-Tanguy, la situation est jugée préinsurrectionnelle.

L’aspiration du peuple de Paris à la libération est d’autant plus forte que, outre la privation des libertés essentielles, il subit des conditions de vie de plus en plus insupportables. Nourriture, médicaments, gaz, électricité, tout manque. À peine la moitié des besoins de la capitale en farine et en lait sont couverts. Le feu de la révolte couve. Le 14 juillet, coup d’envoi de l’insurrection avant l’heure, des milliers de personnes participent à des défilés, à Paris et dans les communes de banlieue, sous la protection de combattants FTP. On chante la Marseillaise, on accroche le drapeau tricolore aux fenêtres, les mots d’ordre sont patriotiques mais portent aussi sur la distribution de nourriture.

Le 10 août, les cheminots ouvrent la voie, paralysant le trafic ferroviaire

Et puis la classe ouvrière entre en scène. En grève le 10  août, à la suite de l’arrestation de plusieurs des leurs, « pour faire reculer le boche, faire aboutir les revendications, pour la libération totale du pays », les cheminots ouvrent la voie, paralysant le trafic ferroviaire. Ils sont suivis le 15 août par les 21 000 policiers qui, après avoir, pour beaucoup, traqué les résistants, mené la rafle du Vél d’Hiv, répondent en masse à l’appel de leurs propres organisations de résistance, quittent leurs uniformes, et basculent, avec leurs armes, dans le camp des FFI.

La grève, que la CGT décrétera générale le 18 août, s’étend aux PTT, au métro, à la métallurgie, aux imprimeries… Militairement, les 
Allemands sont affaiblis depuis le débarquement de Normandie et leurs défaites à l’Est. La décision d’appeler à l’insurrection suscitera pourtant des réticences. Jacques Chaban-Delmas et Alexandre Parodi, 
représentants de De Gaulle, la jugeront d’abord prématurée – avant de s’y rallier –, invoquant le risque de représailles ; ils préconisent d’attendre l’action et le feu vert des Alliés. Unies sur l’objectif de chasser l’occupant et rétablir l’indépendance nationale, les forces de la Résistance seront à plusieurs reprises traversées de vifs débats, opposant « attentistes » et partisans de l’action immédiate.

On le verra aussi lors de l’épisode de la trêve que quelques membres du CPL négocient, le 20 août, par le biais du consul de Suède, avec von Choltitz : les FFI cesseraient les combats jusqu’à l’évacuation totale de Paris par les Allemands, qui s’engageaient, eux, à ne pas attaquer les édifices publics occupés… Certains ont-ils vu là « une occasion inespérée » de « mettre à la marge les organisations FFI, de prévenir les risques de turbulences, de confier aux résistants modérés les rênes de la capitale ? », interroge l’historien Roger Bourderon. « Il est des gens, même dans la Résistance, qui sont inquiets de ce mouvement populaire qui triomphe.

Ils savent pourtant que l’objectif du combat arrêté en commun est national et patriotique, mais quand même, ces barricades tenues par les ouvriers, les usines tenues par les prolétaires qui le défendent… cela dépasse leur entendement. L’ordre, pour eux, ne peut sortir de là », observera André Tollet, l’ouvrier tapissier, syndicaliste et communiste, qui préside le Comité parisien de libération. La tentative de trêve fera long feu; les instances du CNR et du CPL, sous l’impulsion des communistes, forts de l’autorité acquise par leur détermination, leurs sacrifices dans les combats, et Rol-Tanguy s’y opposèrent, au diapason des combattants qui voulaient en découdre et qui, malgré la confusion, n’ont jamais cessé leur action. Dès le 19 août, les Allemands – une garnison de 20 000 hommes, 50 chars –, retranchés dans quelques dizaines de points d’appui fortifiés, sont harcelés lors de leurs déplacements dans la capitale.

Malgré les risques, la répression sauvage qui continue – chaque jour des patriotes sont fusillés, comme les 35 de la cascade du bois de Boulogne, le 17 août –, nombre de Parisiens font le coup de feu, jettent des bouteilles incendiaires sur les véhicules de la Wehrmacht. En dépit d’appels répétés aux Alliés, les résistants manquent cruellement d’armes. Mais Rol-Tanguy en est convaincu, « le succès est fonction du nombre », répète-t-il, multipliant les appels à la population à rejoindre les FFI, à prendre les armes sur l’ennemi – appels amplifiés par la presse de la Résistance qui, le 21, sort de la clandestinité –, diffusant moult instructions précises sur la manière d’entraver les chars, d’édifier une barricade… Des barricades qu’on comptera bientôt par centaines, tandis que se multiplient les occupations de bâtiments publics, à commencer par celles, retentissantes, le 19, de la préfecture de police et de l’Hôtel de Ville, dont les derniers débris de l’appareil de Vichy sont chassés, mais aussi les usines, les gares, les centraux téléphoniques.

Le 24 août, les FFI tiennent la rue, les Allemands sont confinés dans leurs retranchements, lorsque, dans la soirée, arrive à l’Hôtel de Ville un premier détachement de la 2e division blindée (DB) de Leclerc, celui du capitaine Dronne, composé de républicains espagnols. Suivront, le lendemain, guidés par les FFI, freinés par des foules en liesse tout au long de leur chemin, l’ensemble de la 2e DB ainsi que la 4e division d’infanterie américaine, qui, avec leur armement lourd, pourront « finir le travail », réduisant les derniers points fortifiés : le Palais Bourbon, le Luxembourg, la caserne de la République, l’École militaire, le central téléphonique Archives, l’hôtel Majestic, et enfin l’hôtel Meurice, QG de von Choltitz. Lequel signera l’acte de capitulation dans l’après-midi du 25 avec Leclerc et Rol-Tanguy. Il aura fallu la forte insistance des FFI auprès des généraux américains pour obtenir l’envoi de la 2e DB, encore placée sous leur commandement : leurs plans ne prévoyaient pas de passer par Paris, dépourvu à leurs yeux de « signification tactique », mais de le contourner. « Les FFI me forcèrent la main », reconnaîtra 
Eisenhower. L’insurrection populaire s’est imposée à lui, bousculant ses schémas. « Quand nous sommes arrivés, nous les troupes régulières, résumera le général américain, nous avons donné le coup de grâce à l’ennemi, mais Paris était déjà aux mains des Parisiens. »

La Résistance montre que la France entend reprendre en main son destin

En août 1944, alors que les armées allemandes refluent vers l’Est, l’enjeu militaire de Paris paraissait certes limité. Outre réprimer l’insurrection, von Choltitz avait mission d’assurer le passage des ponts sur la Seine pour les troupes de la Wehrmacht en retraite au sud. L’enjeu politique de la libération était, lui, considérable. En chassant l’occupant, la Résistance montre que la France entend reprendre en main son destin. Message de poids quand on sait que les Américains avaient envisagé de placer le pays – comme ils l’avaient fait en Italie – sous une administration militaire provisoire (l’Amgot) et une monnaie idoine. Les fonctionnaires américains formés pour cela ne seront jamais mis en place. Aussitôt Paris libéré, le gouvernement provisoire de la République française, dirigé par de Gaulle, comprenant toutes les forces de la Résistance, s’installe. La libération totale du territoire ne sera pas obtenue avant mai 1945, mais la souveraineté nationale est d’ores et déjà rétablie. Peuvent s’engager les batailles de l’après-guerre : la reconstruction et l’application du programme de transformations sociales et économiques bâti par le CNR. 

Yves Housson (L'Humanité)
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